Abandon du projet "BAUDELAIRE HOUSE"


ABANDON DU PROJET
BAUDELAIRE HOUSE


Tout est dans le titre. Les développements qui suivent ne sont donc là que pour répondre aux interrogations des plus curieux et pour apporter quelques éclaircissements bien légitimes.

Pour qui que ce soit, quel que soit notre domaine de compétence (sport, art, affaires, politique, etc.), abandonner n’est jamais quelque chose de facile, d’évident et d’agréable à faire. A priori, du moins. C’est plus ou moins grave ou démoralisant selon la façon dont on aborde ses projets, la création en général, et son rapport au « public ». S’il y a un plaisir évidemment « positif » à réussir, à persévérer, à finir, il peut y avoir une forme de plaisir « négatif », un brin sadique et masochiste, à abandonner, à confisquer, à détruire. Mon inclination pour le suicide et le sabordage sont bien connus.

Ceux qui me suivent, me regardent, se joignent à nos discussions en LIVE, commencent à me connaître un peu, et savent que je ne donne pas une valeur démesurée à l’achèvement des projets, mais plus encore, au fait de les partager, les publier ou les diffuser pour leur conférer une prétendue valeur par le prisme d’autrui. Comme le disait si bien Baudelaire : « Je n’écrirais volontiers que pour les morts. »

Il y a toutefois des vraies « raisons » à ce renoncement, et je m’en vais donc les décrire ci-dessous.

1) RAISON TECHNIQUE : MATERIEL OBSOLETE 
C’est la plus immédiate et la plus radicale des raisons. Celle qui a très tôt commencé à peser sur le projet, et que j’ai d’ailleurs commencé à évoquer durant les TALKS de ces derniers mois. Mon matériel informatique vieillit. Je fais mes montages avec un iMac, généreusement prêté par ma sœur. Sans être une bête « maître-course », il était très performant et assurait il y a encore 2 ans. C’est un modèle de 2009, retapé en 2011. Clairement, il est à bout de souffle. Baudelaire House n’est pas un petit montage de routine. C’est un docu-fiction dont le fichier montage pèse plus de 400Go, dont les rushs, les images et les musiques pèsent des centaines de Gigas. Tout cela n’est encore qu’une histoire de Disque Dur, une simple histoire de stockage. Le vrai problème est que tout cela est extrêmement gourmand en ressources, en RAM, et les 4Go dont je dispose sont à bout. Impossible de monter dans des conditions normales, sans subir des ralentissements, des plantages, etc. Je suis au chômage technique.
Tout cela pourrait encore passer, je pourrais encore donner un ultime coup d’éperon à cette Rossinante qui me sert de monture, si le montage devait rester tel que je l’ai laissé il y près de 2 ans (45 minutes de séquences fiction / 1h30 de documentaire illustré), avant que je ne me plonge dans mon abondante bibliographie complémentaire. Le docu-fiction était appelé à doubler de volume, avec tout ce que j’avais à y ajouter. L’ampleur de ce travail est inconcevable avec le matériel obsolète dont je dispose. De toute façon, donc, le projet dans sa version vidéo est mort, pour des raisons techniques.

2) RAISON DIDACTIQUE : TROP-PLEIN DE TEXTES
Cette raison découle du dernier point de la précédente. Vous avez pu constater la quantité monstrueuse de lectures que j’ai accumulée tout au long de ces mois de recherche passionnants. Tellement passionnants, que je n’ai ramené des tonnes de notes, de citations, d’extraits, d’idées… autant de choses géniales, précieuses, que je me réjouissais de partager… Mais en faisant le bilan de mes recherches ces derniers jours (comme prévu dans le calendrier), en compilant et en triant toutes mes fiches de lectures et les textes que je souhaitais utiliser, le constat a été accablant. J’ai trop de choses. Trop de choses passionnantes, qui me tiennent à cœur, que je me trouve bien incapable de sacrifier ou de hiérarchiser. Mes découvertes ont comme dépassé mon sujet, et mon champ de recherche. J’écrivais un petit guide touristique, et je reviens avec une map monde. C’est ingérable sur un plan didactique, sans parler des conséquences sur le montage, prenant des proportions impossible dans les conditions techniques évoquées plus haut !
Raisons techniques qui, après tout, ne remettent pas en question que le format vidéo, et n’entravent en rien l’achèvement du projet dans sa forme écrite, textuel, publiable, que je considérais comme la seule valeur sûre. Cette version écrite du documentaire, ce « mémoire » ou cette « thèse », se trouve pourtant incluse dans l’abandon du projet.
Ce qui devait alimenter, renforcer, enrichir, sublimer le docu-fiction est très exactement ce qui aura fini par l’écraser sous son propre poids. Ce que le projet y perd (sa concrétisation), la recherche et ma culture générale y gagnent, et s’en trouvent grandis à jamais. Et c’est bien là l’essentiel et le plus important.

3) RAISON LOGISTIQUE : TANT A FAIRE, ET SI PEU DE TEMPS
Comme la plupart des choses dans la vie, il y aurait une façon de résoudre tout cela : le temps. Prendre son mal en patience, avec un ordi qui se traine pour la moindre tâche. Et surtout, prendre son mal en patience, s’acharner, consacrer tout le temps nécessaire à la digestion, à la sélection et à l’agencement des innombrables extraits que j’ai accumulés, afin d’optimiser le résultat, aboutir à ce compromis magistral entre exhaustivité des sources et aboutissement du résultat visuel, ou au moins textuel.
J’ai, là aussi, souvent eu l’occasion de l’évoquer durant mes LIVES : la blague n’avait déjà que trop duré. Et chaque semaine ou mois qui s’ajoutait, promettait de la rendre de moins en moins drôle, et surtout, complètement disproportionnée. Il y avait une date limite de conception, un temps raisonnable imparti pour aboutir ce projet, un bon équilibre travail/résultat, qui devait tenir en 2/3 ans, maximum. Au-delà de ce temps, cela devient trop pour ce que cela « mérite » et représente. Il ne s’agit « que » d’un documentaire, d’une somme, une espèce de synthèse de mes recherches sur des questions qui me tiennent certes énormément à cœur (misanthropie, pessimisme, spleen, etc.), mais qui ne sont pas suffisamment personnelles, ne relèvent pas suffisamment de ma matière la plus intime pour justifier d’y passer autant d’années. Ce serait comme passer 3 mois sur une même dissertation. Une dissertation, c’est 4h sur table, ou deux semaines chez soi. Au-delà, même si elle est excellente, c’est du temps perdu si c’est juste pour commenter des auteurs et discuter une problématique.
Je ne peux pas passer 5 ans là-dessus, d’autant plus que ce n’est ni mon seul projet, ni le plus personnel et important. C’est un travail de vulgarisation, doublé d’un petit challenge artistique (pastiche d’une série), dont l’intérêt principal était l’aboutissement de ma méthode pédagogique reposant sur le croisement entre culture populaire et classique.

4) RAISON ARTISTIQUE : DES ŒUVRES A REALISER
J’y faisais allusion, j’ai des œuvres en attente. Il y a un temps pour admirer, commenter, transmettre celle des autres, et un temps pour accomplir la sienne. Je commence à m’être un peu trop attardé dans la première étape, et il est grand temps que je revienne à la seconde. Ma vocation n’est pas l’enseignement, ma vocation est la création. Je ne peux pas procrastiner davantage, frustrer mon inspiration et retarder des travaux personnels dans un souci obsédant de faire connaître et comprendre ceux des autres. Comme disait si bien Stendhal : « Il est petit de passer sa vie à dire comment les autres ont été grands. »
J’ai un essai et deux romans en tête, et cet embouteillage est déjà un signe d’urgence. Si je repousse et retarde le moment de m’y mettre, peut-être qu’il passera, et ainsi de suite, jusqu’à ce que je n’aie plus rien fait, tout cela pour faire un truc « secondaire ».
J’ai choisi la vie d’otium que je mène pour ne plus avoir de contraintes, faire uniquement ce que je veux, me consacrer à ce qui m’inspire, me fait plaisir, et aux projets qui me tiennent le plus à cœur. Si je m’acharne sur un documentaire qui ne fait que reformuler & résumer ce que je sais désormais, si je m’enfonce dans un chantier titanesque avec un matériel insuffisant et une quantité ingérable de documentation, je vais peu à peu transformer en instrument de torture psychologique ce qui a été – il y a maintenant 3 ans – un outil de guérison et de résurrection, une source de réconfort et de bien-être qui m’a aidé à me relever et me reconstruire. Baudelaire et House, ces amis qui me sont si chers et ont été d’un si grand secours à mon chevet, ne doivent pas devenir synonyme de galère et d’angoisse.

*** ***

Alors voilà. J’arrête. Pour mieux continuer. Ailleurs. Et y’a pas de raison : si cet ailleurs finit aussi par me faire chier, me pourrir la vie ou s’avère juste un monstre incontrôlable, je le décapiterai ou l’euthanasierai de la même façon. Brûler mes propres vaisseaux est une chose qui me semble aussi légitime et naturelle que le suicide quand les circonstances l’exigent.

Je n’ai pas perdu mon temps. On ne perd jamais son temps à s’instruire, se documenter, lire sur ce qui nous passionne, apprendre. Surtout pas quand il s’agit de classiques, d’œuvres aussi majeures et fondamentales, et surtout pas quand il s’agit de philosophie. Tout cela est lu, reçu, intériorisé, et je le porte en moi, maintenant. Pour moi, l’aventure s’est terminée avec la bibliographie. Le manque à gagner est davantage du côté des destinataires potentiels.  

Là où je trouve cela le plus dommage, c’est clairement, et évidemment, pour tous ceux qui m’ont fait l’amitié de participer de près ou de loin à ce projet. Toutes ces belles contribution de scènes et/ou de voix qui rendaient ce projet si « convivial », collectif, et surtout, le parsemait de jolies prestations, dont l’aspect amateur me semblait largement compensé par la sincérité de la démarche et un effort certain dans l’esthétique. Je pense aux figurants, aux comédiens, aux potes qui ont fourni de bien jolis brins de jeu et de voix.

On touche là à tout l’intérêt de ne surtout jamais impliquer une communauté dans le financement de ses projets. On reste libre, sans engagement. On ne doit rien à personne. Il n’y a ni vol, ni arnaque. Juste une déception, mais rien de contractuel. Le soutien est déjà une donation d’une nature impossible à rembourser, et donc bien embarrassante à laisser sans rétribution, sinon de sincères et chaleureux remerciements à tous, en particulier ceux qui ont directement apporté leur aide et leur participation. Mais à cet égard, je suis déjà surendetté avec plusieurs d’entre vous.

Là encore, ce qu’il y a de bien, c’est qu’hors des frontières très étroites de la non moins confidentielle confrérie des HAPPY FEW, ce projet n’avait aucune existence, ne pouvait générer aucune attente, et n’aurait reçu aucun accueil.

D’ailleurs, il était de plus en plus question ne pas mettre en ligne sur YouTube, tant cette plateforme est devenue une ridicule escroquerie complètement incompatible avec tout projet artistique un peu libre, intègre et exigeant intellectuellement. Quant à la publication du texte, même si j’étais allé jusque là, je ne me faisais absolument aucune illusion sur la motivation et la capacité de la plupart à surmonter la lecture d’un ouvrage universitaire de plus de 200 pages (sur écran, et sans images !), qui plus est concluant à la suprématie du pessimisme, l’absurdité de la vie, la démystification de l’amour, l’illusion du bonheur sur terre, les marques d’excellence de la misanthropie et de la solitude. Autant de choses que je ne faisais d’ailleurs qu’exprimer à travers les mots et les œuvres de nombreux et illustres prédécesseurs, qui sont à l’entière disposition de tous !

Ainsi donc, le mieux que je puisse faire, pour les plus intéressés et les plus acharnés en quête de réponses que je renonce à leur apporter, c’est vous suggérer ces lectures que je considère comme incontournables sur le sujet et qui, personnellement, ont été pour moi les plus marquantes, stimulantes & inspirantes :

ŒUVRES DE BAUDELAIRE
- Baudelaire, Les Fleurs du Mal
- Baudelaire, Le Spleen de Paris
- Baudelaire, Edgar Poe, sa vie & son œuvre
- Baudelaire, Notes nouvelles sur Edgar Poe
- Baudelaire, Salon de 1846
- Baudelaire, Salon de 1855 (Exposition Universelle)
- Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne
- Baudelaire, Les Paradis Artificiels
- Baudelaire, Fusées
- Baudelaire, Hygiène
- Baudelaire, Mon cœur mis à nu

DIVERS LITTERATURE, ESSAIS & PHILOSOPHIE
- Asselineau (Charles), Vie & Œuvre de Charles Baudelaire & Baudelairiana
- Bourget (Paul), Essai de psychologie contemporaine 
- Camus (Albert), Le Mythe de Sisyphe
- Gautier (Théophile), « Charles Baudelaire », préface aux Fleurs du Mal, 1868
- Huysmans, A Rebours
- Lemaire (Miche), Le Dandysme, de Baudelaire à Mallarmé
- Sartre (Jean-Paul), Charles Baudelaire, Gallimard, 1947
- Sartre (Jean-Paul), L’Existentialisme est un Humanisme
- Schopenhauer, Aphorismes sur la sagesse dans la vie
- Schopenhauer, Essai sur le libre arbitre  
- Schopenhauer, Le Monde comme Volonté et comme Représentation 
- Sénèque, De la brièveté de la vie
- Sénèque, De la tranquillité de l’âme
- Sénèque, De la vie heureuse





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