MY WEEK WITH AUDREY - DAY 6. SATURDAY. "PARIS WHEN IT SIZZLES" (1963)
MY WEEK WITH AUDREY - DAY 6.
SATURDAY.
"PARIS WHEN IT SIZZLES" (1963)
PITCH. INT. JOUR. UNE CHAMBRE D’HÔTEL A PARIS. Richard Benson est
un scénariste paresseux, charmeur et très porté sur la bouteille à qui il ne
reste qu’un week-end pour écrire les 130 pages de scénario commandées par son
producteur. Pour l’assister dans cette écriture marathon, on lui envoie une
ravissante secrétaire dactylo, Gabrielle Simpson. En bon procrastinateur,
Richard est au point zéro et tout reste à faire, en à peine 2 jours. Tout ce
qu’il a, c’est un titre aussi charmant que farfelu : « The Girl who stole the Eiffel Tower ».
Heureusement, la douce présence de la jeune femme a un effet rafraichissant et
revigorant sur le scénariste dont l’inspiration part dans tous les sens. Sa
deadline étant le 14 Juillet, le « Bastille
Day », Richard décide d’y situer son intrigue, tout en créant une
héroïne et un héros qui ressemblent à s’y méprendre à sa secrétaire et lui…
Dans une vaste mise en abyme (un
film dans un film), dans un va et vient permanent entre imaginaire et réalité, dans
une improbable intrigue pleine de rebondissements mêlant comédie, romance et
polar, entre la chambre d’hôtel et un Paris fantasmé, de scènes en scènes, de
fondus enchainés en ellipses, de réécritures en coupures, le scénario s’écrit
et se construit sous nos yeux au gré des échanges de Richard et Gabrielle.
Entre l’inventif/séduisant
scénariste et l’espiègle/spirituelle secrétaire, la complicité est immédiate,
les idées fusent et les répliques s’enchainent. Les limites entre les héros et
leurs créateurs se brouillent de plus en plus, jusqu’à ce que les sentiments
finissent par franchir les frontières de la fiction et par déborder sur la
réalité…
COMMENTAIRE. Paris when it
sizzles (« Deux têtes folles ») est techniquement le deuxième
film avec Audrey Hepburn que je voyais. Le premier depuis mon lointain
visionnage de Breakfast at Tiffany’s.
Affaire purement de circonstance : lorsque j’ai commandé les 6 films en
DVD, c’est le premier que j’ai reçu, et n’ayant pas encore décidé de m’organiser
une rétrospective chronologique sur une semaine, la tentation était trop grande
de voir le film sur l’instant, en attendant les autres. Je ne savais pas
forcément où j’allais. J’avais étudié un à un chacun des films d’Audrey
(lectures & extraits vidéos) pour déterminer lesquels j’allais regarder, et
celui-ci m’avait tapé dans l’œil par son concept (mise en abyme, réflexion
méta-filmique sur le cinéma, travail de création scénaristique) et par la folie
douce qui se dégageait de sa bande-annonce. Ce n’était pourtant pas les
éléments décourageants qui manquaient. Le film se prenait de méchantes
remarques même par les fans les plus assidus d’Audrey, et étaient traité avec
un certain dédain. Mêmes les plus indulgents reconnaissaient qu’il ne s’agissait
pas d’un très bon film, mais que c’était sympa. Coup de grâce : j’ai fini
par apprendre qu’Audrey Hepburn elle-même, bien qu’ayant pris beaucoup de
plaisir à le tourner, comptait ce film parmi ceux qu’elle aimait le moins. Pas
glop.
POURQUOI TANT DE HAINE (CONTRE CE FILM) ?
Si je m’étais laissé influencer
(ne serait-ce que par Audrey elle-même !), je me serais sans doute dégonflé.
Mais j’ai préféré me fier à mon intuition, ayant la tenace impression que ce
film allait beaucoup me plaire, et qu’Audrey s’y trouvait en grande forme. Je
ne regrette vraiment pas d’avoir insisté car, de fait, j’ai adoré ce
film ; et même maintenant que j’ai vu l’essentiel de la filmo d’Audrey,
dont un deuxième visionnage de Paris when
it sizzles, je peux confirmer que non seulement je l’apprécie énormément,
mais qu’en plus il est probablement dans mon top 3 ou 5 ! Je vais donc
avoir deux « lourdes » tâches dans ce commentaire, contrairement aux
précédents : prendre sur moi de défendre l’honneur de ce film mal aimé,
mais aussi y aller complètement de mes propres réflexions, puisque –
conséquence tristement logique de son impopularité – il est extrêmement peu
commenté et documenté sur le Net.
Mais d’ailleurs, pour commencer,
qu’est-il reproché à ce film au juste ? Bonne question ! A laquelle
je n’ai aucune réponse précise ! Tout le monde y va de son petit
commentaire pour le dénigrer ou le remettre à sa place de film mineur ou
secondaire, sans forcément se donner la peine d’argumenter ou d’être clair dans
ses critiques. Les reproches se laissent toutefois déduire d’eux-mêmes :
une intrigue improbable et décousue, d’une part ; le sur-jeu et le
cabotinage des acteurs, d’autre part. Très exactement les aspects qui, pour
moi, font toute sa qualité, découlent logiquement de son postulat
méta-filmique, et qui en font une réussite. Une ultime raison qui, pour le
coup, n’est pas prouvable et n’est qu’une hypothèse soupçonneuse de ma
part : un certain snobisme. Ce film n’entre ni dans la lignée
des comédies glamours d’auteurs façon Breakfast
at Tiffany’s ou Sabrina ; ni
dans les grands films musicaux type Funny
Face et My Fair Lady ; et
encore moins dans les grands rôles de compositions dramatiques d’autres films
aussi « oubliés » du grand public, mais sauvés par leur nature plus
« sérieuse » comme A nun’s
story ou The Unforgiven. C’est
une pure comédie, délirante et décomplexée, et je pense que pour beaucoup des
admirateurs d’Audrey qui la prennent, elle ou sa filmographie, un peu trop au
sérieux, comme quelque chose de sacré et devant répondre à certain standing, ce
film gêne, dérange, fait un peu office de gentil nanar que l’on préfère traiter
en petit boulet de la famille. Mais c’est là que pour moi il y a déjà une
énorme erreur de jugement, car on a justement affaire à un film plein de dérision
qui ne se prend pas du tout au sérieux et, en cela, échappe à tout le ridicule
que lui auraient donné des prétentions. C’est une joyeuse farce, une
jubilatoire récréation d’acteurs, un exercice de style extrêmement ludique. De
là, quoi faire sinon entrer dans le délire et savourer ? Rien d’indigne
là-dedans ; rien de honteux ou d’excessivement régressif. Mais on a
l’habitude de ce type de réception snobs, aussi bien en cinéma qu’en
littérature, et tout particulièrement lorsqu’un auteur, un réalisateur ou un
écrivain ont gagné en prestige.
REMAKE D’UN FILM FRANÇAIS : SUBLIMATION AMERICAINE
Mais avant toute chose, rendons à
César : Paris when it sizzles
est un très libre remake d’un film on ne peut plus français, de 1952 (11 avant
la version US) : La Fête à Henriette,
de Jean Duvivier et. Dans ce film, deux hommes scénaristes tout juste
blackboulés par la censure, sont à la recherche d’une nouvelle histoire. Assistés
leur astucieuse secrétaire dactylo, ils vont échanger idées sur idées et
élaborer une improbable intrigue autour d’une jeune femme nommée Henriette,
dont la fête coïncide avec la Fête Nationale du 14 Juillet. Je précise d’entrée
que, par pure curiosité et pour affiner mon point de vue sur la version
américaine, j’ai vu cette version française d’origine.
Bien sûr, on retrouve déjà
d’évidents points communs entre les deux films : le postulat tout d’abord
(un film qui va s’inventer et se créer en même temps qu’on le regarde à travers
les échanges de deux personnages ; avec tous les procédés originaux de
mise en abyme que cela implique), Paris, la date et l’événement du 14 Juillet,
une héroïne, une intrigue fantaisiste et farfelue mêlant romance, comédie et
polar, ainsi que plusieurs éléments comme la récurrence des bals musettes et
autres ginguettes en plein air. Je suis tenté de dire que ce sont là les seuls
points communs des deux films, tant la version américaine prend vite le large
avec ses propres idées.
J’ai bien apprécié la version
française, du moins la première demi-heure. Le film démarre beaucoup plus vite
dans son postulat et les gags astucieux s’enchainent autour des désaccords et
des changements d’avis des deux scénaristes, l’un particulièrement optimiste,
l’autre particulièrement pessimiste. Pendant toute cette première demi-heure,
je me suis sérieusement demandé si, finalement, je n’allais pas me retrouver à
considérer la version française comme meilleure. Mais dès que l’intrigue a
commencé à s’installer, que la phase de querelle créative des scénaristes s’est
de plus en plus effacée derrière l’histoire qu’ils inventaient, j’ai décroché.
Qui plus est : aucun des interprètes ne m’est apparu avec un charisme
suffisant pour capter mon attention à lui tout seul. C’était marrant pendant le
premier tiers (si ce n’est le premier quart…) du film, et puis c’est comme
devenu trop sérieux, et penchant trop vers le polar.
Paris when it sizzles démarre moins au quart de tour, il prend un
peu plus de temps pour installer la relation entre ses personnages et va
continuer tout le long d’en faire un enjeu important, et pour cause :
contrairement au film français où on a affaire à deux hommes scénaristes et
juste collègues, dans la version américaine on a un incontournable couple de
comédie romantique avec le scénariste et sa secrétaire. La carte de la double
romance (réalité / fiction) est instaurée d’entrée, et va largement insuffler
plus de glamour et de légèreté au film. Un glamour largement confirmé et
couronné par les deux interprètes du couple en question que sont William
Holden et Audrey Hepburn, deux stars de l’âge d’or Hollywoodien, duo déjà
immortalisé dans Sabrina (1954) de
Billy Wilder. Autre détail, purement technique mais pas anodin : le film
français était en noir et blanc, le film américain est en couleurs, et sait en
jouer, offrant une photographie lumineuse et chatoyante. Autant d’éléments
isolés qui, combinés, contribuent à transfigurer le charmant petit exercice de
style français en joyeuse comédie romantique feel good.
Comme si cela ne suffisait pas,
la version américaine continue de dégainer les atouts charmes et d’ajouter une
sérieuse dose de glamour et de fantaisie, de métadiscours et de dérision au
film original, avec entre autres beaucoup de clins d’œil parodiques et de
sacrés caméos : Marlène Dietrich fait une apparition incroyablement fugace
et limite indigne de sa notoriété ; la voix de Frank Sinatra surgit par
surprise pour entonner le titre du film : « The Girl who stole the Eiffel Tower – also stole my heart ».
Mais la palme de l’auto-dérision revient à Tony Curtis qui, trois ans après le
superbe Certains l’aiment chaud de
Billy Wilder, n’hésite pas à jouer dans toutes les postures les moins
flatteuses, à se faire traiter en vulgaire figurant ou en boulot durant tout le
film, et même à ne pas se faire créditer ! Absolument dingue pour un
acteur de cette envergure. Enfin, il y a les décors : une spacieuse et
chaleureuse suite d’hôtel ; un studio de cinéma et ses décors exotiques,
renforçant la mise en abyme tout en ajoutant de l’esthétique et du
glamour ; et bien sûr, la Tour Eiffel bien exploitée avec une fête
costumée dans les étages de la dame de fer. Le film va offrir son lot de jolies
scènes parfois poétiques, comme ces moments où Richard, le scénariste, étale
une à une les feuilles de son script sur le sol comme autant de galets semés
derrière lui pour former un chemin jusqu’à lui ! Un procédé si esthétique
et bien trouvé, qu’il sera utilisé deux fois dans le film. Et à propos de
Richard, venons-en à son interprète.
DR WILLIAM ET MR HOLDEN
Il s’agit du premier film où j’ai
vu William Holden ; c’est peu de temps après que je l’ai enfin découvert
dans de deux de ses films les plus emblématiques, issus de sa glorieuse
collaboration avec Billy Wilder : Sunset
Boulevard (1950) et Sabrina
(1954). Je ferais bondir n’importe quel cinéphile ou fan de cet acteur avec ce
que je vais dire, mais je le dis quand même en toute franchise : j’ai
largement préféré William Holden dans Paris
when it sizzles. Et cela va contre tout le bon sens possible, j’en ai
conscience, puisque sa grande époque est passée à ce moment-là, que l’acteur
apparaît moins « frais », et pour cause : il était profondément
alcoolique à ce stade. Pour ma part, ce que je constate, c’est qu’entre son
apparence lisse et gominée, son rôle de gigolo dans Sunset Boulevard et son rôle de playboy dans Sabrina, il m’est apparu assez antipathique et tête à claque. Dans Paris when it sizzles, l’acteur a… pris
de la bouteille, au sens littéral comme au sens figuré. C’est absolument
pathétique, déplorable et condamnable sur le premier aspect, mais absolument
bénéfique sur le second. L’acteur apparaît beaucoup plus sympathique, naturel,
et les lunettes à épaisses montures noires lui vont particulièrement bien, lui
donnant un bon petit air intello seyant bien à son personnage. Plusieurs
sources concordantes détaillent le véritable problème qu’a été l’alcoolisme de
l’acteur, forçant entre autres à aménager le planning de tournage en
conséquence. Si la situation semble avoir été compliquée voire calamiteuse côté
back stage, on stage rien n’y parait ; l’acteur semble très en forme, son
élocution est claire, son œil est vif, son charme opère, il enchaine les
répliques et les longues tirades, et mêmes les scènes élaborées, sans
difficulté apparente pouvant troubler l’expérience du spectateur. Loin de sa
tête à claque de playboy blondinet, il revient avec une bonne tête, une
cinquantaine fringante et ombrageuse.
Côté coulisses, le cas de William
Holden est assez touchant (ou pathétique, selon la sévérité du regard qu’on y
portera). L’acteur, qui est donc sérieusement alcoolique, ne s’est jamais remis
de sa rupture avec Audrey Hepburn après leur idylle passionnée sur le tournage
de Sabrina. Nous avons détaillé cette
histoire dans l’article du film en question, mais rappelons ici que cette
relation avait été rompue dans la douleur par la jeune actrice lorsqu’elle avait
appris (et vécu comme une terrible trahison) le fait que William Holden était
stérile depuis une vasectomie. Pour Audrey Hepburn ne concevant pas une union
sans enfants et sans familles, c’était là un critère éliminatoire, même avec
tout l’amour du monde. Exactement le genre d’histoires proches du « chef
d’œuvre » et foirant pour un truc « con » mais tellement
essentiel à la fois, qu’il y a de quoi s’en mordre les doigts et ruminer
jusqu’à la fin de ses jours, et c’est manifestement ce qu’a fait William
Holden ; on le comprend. On ne sort pas indemne et assurément à jamais
bouleversé d’avoir été presque fiancé à Audrey Hepburn et de le voir filer pour
une chose à laquelle on ne peut plus rien. Les deux acteurs n’étaient pas
censés vivre cette « épreuve » délicate de se recroiser sur un
tournage, mais un contrat les liant à la Paramount (société de production
commune à tous les films que nous avons commentés, donc les plus importants de
la carrière d’Audrey) les a forcés à faire un nouveau film ensemble. Ce n’est
pas l’actrice que cette situation a le plus embarrassée, mais bien l’acteur,
qui confiera plus tard qu’en arrivant à Paris pour le tournage, il était
vraiment mal et terrifié. Terrifié car il lui faudrait gérer son problème
d’alcool pour être au meilleur de lui-même, mais aussi et surtout, car il lui
faudrait faire face à Audrey, la revoir, et même la toucher, l’embrasser pour
les besoins du rôle. Cela ressemble soit à une cure homéopathique prescrite par
le sort, ou à une mauvaise blague cosmique bonne à entretenir le mal être
d’Holden. L’acteur a aussi mentionné sa honte de se montrer si vieilli et abimé
par ses abus devant l’actrice de quinze ans sa cadette, au sommet de sa gloire,
et plus belle que jamais. Troublante coïncidence de scénario ou malicieuse mise
en abyme, le personnage de William Holden, le scénariste Richard Benson, est
lui-même très porté sur la bouteille, et en fin de film, il nous offre un douloureux
monologue désabusé sur son alcoolisme et le fait qu’il ne mérite pas une
nouvelle chance en amour, ce qui le pousse à éconduire sa ravissante
secrétaire. Soit c’est le hasard qui est cruel, soit ce sont les scénaristes
qui ont sadiquement joué avec l’historique des acteurs. Non, vraiment, entre
son rôle on stage et ses démons back stage, William Holden me fait
vraiment de la peine et arrache ma sympathie pour ce film.
Mais venons enfin à celle qui est
clairement la principale et plus fondamentale différence entre la version
française et la version américaine du film, en plus du principal atout de ce
dernier : Audrey Hepburn, évidemment.
UN FILM TOUT EN HOMMAGE A AUDREY
Le film ne se contente pas de
placer Audrey au centre de sa double intrigue, il s’avère en réalité conçu sur
mesure autour de sa personne et se révèle être une surprenante et officieuse
déclaration d’amour à l’actrice à chaque plan, presqu’à chaque dialogue.
Cela prend d’abord la forme d’une succession de références souvent appuyées à tous les grands films qu’elle a tournée pour la Paramount (tous ceux de notre sélection). Roman Holiday lorsque Richard sépare délicatement la frange qui couvre le front de la jeune femme, reproduisant exactement le geste du coiffeur qui vient de couper les cheveux de la Princesse Ann à Rome. Sabrina, par la seule réunion du duo Holden/Hepburn, mais aussi la présence de cette dernière à Paris. Breakfast at Tiffany’s, lorsque Richard évoque une « prostituée au grand cœur » ou, plus explicitement encore, lorsque le titre du film est carrément nommé en toutes lettres au détour d’une tirade. Même My Fair Lady, qui ne sera pourtant tourné qu’un an plus tard, est évoqué avec insistance par Richard. On a bien du mal à y voir une simple coïncidence ; nul doute qu’à ce moment là, il était déjà convenu qu’Audrey Hepburn hériterait du rôle d’Eliza Doolittle. Last but not least, le rôle emblématique d’Audrey dans Funny Face fait l’objet d’un hommage des plus explicites et appuyés, lorsque tourne le vinyle d’une chanson nommée « That Face », interprétée par Fred Astaire (partenaire d’Audrey dans Funny Face), dont les paroles, extrêmement voisines de celles de « I love your funny face » dans le film de Stanley Donnen, sont une occasion de plus à l’écran de célébrer la beauté de l’adorable visage de l’actrice.
Cela prend d’abord la forme d’une succession de références souvent appuyées à tous les grands films qu’elle a tournée pour la Paramount (tous ceux de notre sélection). Roman Holiday lorsque Richard sépare délicatement la frange qui couvre le front de la jeune femme, reproduisant exactement le geste du coiffeur qui vient de couper les cheveux de la Princesse Ann à Rome. Sabrina, par la seule réunion du duo Holden/Hepburn, mais aussi la présence de cette dernière à Paris. Breakfast at Tiffany’s, lorsque Richard évoque une « prostituée au grand cœur » ou, plus explicitement encore, lorsque le titre du film est carrément nommé en toutes lettres au détour d’une tirade. Même My Fair Lady, qui ne sera pourtant tourné qu’un an plus tard, est évoqué avec insistance par Richard. On a bien du mal à y voir une simple coïncidence ; nul doute qu’à ce moment là, il était déjà convenu qu’Audrey Hepburn hériterait du rôle d’Eliza Doolittle. Last but not least, le rôle emblématique d’Audrey dans Funny Face fait l’objet d’un hommage des plus explicites et appuyés, lorsque tourne le vinyle d’une chanson nommée « That Face », interprétée par Fred Astaire (partenaire d’Audrey dans Funny Face), dont les paroles, extrêmement voisines de celles de « I love your funny face » dans le film de Stanley Donnen, sont une occasion de plus à l’écran de célébrer la beauté de l’adorable visage de l’actrice.
That face, that face, that wonderful face
It shines, it glows, all over the place
And how I love to watch it change
expressions
Each look becomes the prize of my
possessions.
I love that face, that face, it hmmm, just
isn't fair
You must forgive the way that I stare
But never will these eyes behold a sight
that could replace
That face, that face, that face.
I see that face, that face, wherever I go
It's here, and it's there, bewitching me so
It's got my crazy heart in such a tangle
It drives me simply wild from any angle.
I love those eyes, those lips, that ooo...
fabulous smile
Never will these eyes behold a sight that
could replace
That face, that face, that face.
La chanson s’arrête ici dans le
film. Mais accordons-nous le plaisir de poursuivre les paroles qui ne cessent
pas de s’appliquer si parfaitement au doux visage d’Audrey :
He laughs and Spring goes right out of style
And oh, the thrill I feel each time my
fingers gently trace
That face, that face, that face.
Oh, what a face, that face, it lights up a
room
Intoxicates like heady perfume
No painter or photographer could catch it
No rainbow or no sunset ever match it.
Beneath the moon, the stars, ahhh, under the
sun
Asleep, or awake it's second to none
What view completes my universe
Transcending time and space
That face, that face, that face.
Oh that face
That face, that face, oh, that face.
Tandis que résonne la chanson,
Richard observe Gabrielle, tourne autour d’elle, la cadre comme un photographe,
exactement comme dans la scène de Funny
Face avec Fred Astaire ; touche finale et non des moindres : on
retrouve même les gros plans sur le visage d’Audrey et son magnifique sourire. Là
encore, je vais oser un petit sacrilège qui n’a pour lui que sa candide
sincérité : je trouve cette ode au visage d’Audrey encore plus jolie et
réussie que dans Funny Face. Des deux
chansons d’Astaire, That Face est
carrément plus mélodique et agréable à entendre, les paroles sont encore plus
jolies et poétiques, et les cadrages de la scène sont ici beaucoup plus
soigneux, insistants et serrés, prenant le temps d’isoler les yeux, les lèvres
et le sourire d’Audrey dans un plan qui s’élargit sur son visage à mesure qu’il
l’illumine. Absolument parfait !
Ce moment magique, bien qu’étant
un sommet, est loin d’être complètement isolé. L’ensemble du film est un peu à
cette image, à chaque plan, large ou serré, sur Audrey ; et ils sont
nombreux (pour notre plus grand plaisir). Clairement, le réalisateur ou le chef
opérateur/directeur de la photographie était « amoureux » de
l’actrice, pour porter un tel soin à la façon de la filmer et pour la mettre si
bien en valeur. A ce sujet, j’ai vu plusieurs fois passer une anecdote selon
laquelle l’actrice aurait poussé le premier chef opérateur vers la sortie en
constatant son travail peu flatteur et aurait suggéré un autre chef op’ avec
lequel elle avait l’habitude de travailler et qui savait parfaitement la cadrer
et l’éclairer. Ces anecdotes de « caprices de stars » ne sont pas si
courantes avec Audrey Hepburn (elle laisse toujours une bonne impression, de
gentillesse et de bonne humeur sur les tournages), ce qui attire d’autant plus
notre attention dessus. Le fait est en tout cas que, de toute évidence,
l’actrice a eu raison d’insister, car le résultat est flagrant à l’écran. On
n’a peut-être jamais vu Audrey plus belle et plus craquante, alors qu’elle va
sur ses 34 ans ! Chaque plan d’elle est un émerveillement, et le
réalisateur nous gâte et s’en donne à cœur joie en la filmant amoureusement,
multipliant les occasions de la contempler sous tous les angles. On ne peut que
remarquer des plans récurrents et discrètement insistants sur les pieds
déchaussés ou carrément nus de l’actrices (ces fameux pieds trop grands [39/40]
qui ont marqué pas mal de partenaires), mais aussi la mise en valeur de ses
« big magic eyes » tels que
tendrement nommés dans le film par Richard lui-même. On touche à la volupté
lorsque le réalisateur attarde sa caméra de façon insolite mais si irrésistible
sur la nuque d’Audrey, superbement dégagée et mise en valeur par le chignon qui
relève ses cheveux.
Ses cheveux, justement ; une scène les montre tandis qu’elle les libère sur son dos nu. Mais la plus belle apparition de sa longue chevelure brune est clairement ce moment, dans la chambre orientale du studio de cinéma, où elle les détache et les laisse retomber autour de son visage avec un air suave et enjôleur ; elle est alors presque méconnaissable, car telle qu’on l’a rarement vue. Et cela ne s’arrête même pas là.
Ses cheveux, justement ; une scène les montre tandis qu’elle les libère sur son dos nu. Mais la plus belle apparition de sa longue chevelure brune est clairement ce moment, dans la chambre orientale du studio de cinéma, où elle les détache et les laisse retomber autour de son visage avec un air suave et enjôleur ; elle est alors presque méconnaissable, car telle qu’on l’a rarement vue. Et cela ne s’arrête même pas là.
Une fois de plus et comme
toujours depuis Sabrina, Audrey est
évidemment habillée sur mesure par son ami Hubert Givenchy. Si je n’ai pas
toujours apprécié à sa juste valeur le travail du couturier sur sa Muse (déjà
trop sophistiqué pour moi, qui ne trouve jamais Audrey plus jolie que naturelle
et simplement vêtue), dans ce film, je suis absolument fan de l’apparence qu’il
a donnée à l’actrice : une ravissante petite robe jaune extrêmement
simple, assortie d’un chapeau tout aussi simple, le tout d’une sobriété rafraichissante.
Après la robe noire à perles, les longs gants assortis, les lunettes Ray Ban,
le fume-cigarette, les cheveux parsemés de mèches blondes, et tout cet attirail
sophistiqué et trop bling-bling pour moi, on retrouve enfin Audrey au naturel,
le meilleur ornement de la véritable beauté et le seul qu’il lui faille.
Mais l’aspect auquel je suis sans
doute le plus sensible et sur lequel le film, par sa mise en scène et sa
direction d’acteur, nous gâte le plus, c’est sur l’un des plus immenses et
mémorables points forts du charme d’Audrey : l’expressivité de son visage.
Toutes ces mimiques, ces regards, ces expressions qui illuminent ses traits et
en varient inlassablement la physionomie, en renouvèle sans cesse la beauté, en
fait un véritable spectacle vivant, ce qui le fait passer d’une beauté purement
esthétique à une beauté sensible, qui inspire tant d’émotions et nous touche
durablement, qui attendrit notre cœur bien plus encore qu’elle ne charme nos
yeux. Ce à qui renvoient, justement et très exactements, ces paroles de la
chanson « That Face » :
« It shines, it glows, all over the place / And how I love to watch it change expressions »
C’est exactement cela. Et côté expressions dans le visage d’Audrey, ce film est un véritable festival ! Jamais, dans aucun autre film de sa carrière, je n’ai vu l’actrice aussi expressive, lumineuse, aussi « drôle de frimousse », mignonne et craquante, affichant des émotions et des mimiques que l’on n’a vu nulle part ailleurs ; et pour cause ! Cela s’explique clairement et logiquement par un aspect qui a été pourtant reproché au film : le sur-jeu et le cabotinage des acteurs, le fait que le plaisir de jouer finisse par prendre le dessus sur le jeu lui-même, dans sa rigueur et sa sobriété. Seulement, de par le postulat du film (le méta-discours sur le cinéma, la mise en abyme, la parodie, la comédie), ce cabotinage est non seulement bienvenu, mais aussi clairement au service du propos, participe directement au second degré et à la légèreté voulues. Loin de s’en plaindre, de le déplorer ou de s’en agacer, il faut voir dans ce cabotinage l’occasion unique et délicieuse de re-découvrir Audrey Hepburn.
LE MOT DE LA FIN : UN MAUVAIS « HEPBURN », UN EXCELLENT
« AUDREY »
Ce festival d’expressions joint à
tous ces plans célébrant la beauté de son visage et s’attardant sur des détails
de son corps, tout cela participe, avec les nombreuses allusions aux grands
films de sa carrière, à un immense hommage, plein de tendresse et d’admiration,
de bienveillance et de fascination pour l’actrice. Ce film prend de telles
allures de déclaration d’amour à Audrey, joue avec un tel soin sur son
apparence et son espièglerie, que l’on n’est pas loin d’une sorte de fan service avant la lettre. Pour toutes
ces raisons, si on craque pour elle, je vois mal comment ce film peut laisser
insensible et ne pas réjouir, tant son écriture comme sa mise en scène sont
amoureusement centrées sur elle, pour en saisir les plus beaux et précieux
atouts, les nombreuses et plus rares expressions. On ne l’a jamais vue plus
adorable, craquante, naturelle et candide, presque redevenue une adolescente
sous l’amoureux regard des caméras d’une équipe de tournage manifestement
éprise et conquise.
Je disais à propos de Breakfast at Tiffany’s que ce n’était
pas un excellent Audrey, mais le meilleur Hepburn. Paris when it sizzles, deux ans plus tard, serait pour moi l’exacte
opposé : pas un excellent Hepburn, certes (peut-être l’un des moins bons,
si on en croit beaucoup), mais en ce qui me concerne, peut-être le meilleur
Audrey, avec Funny Face.
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