MY WEEK WITH AUDREY - DAY 3. WEDNESDAY. "FUNNY FACE" (1957)
MY WEEK WITH AUDREY - DAY 3. WEDNESDAY.
"FUNNY FACE" (1957)
PITCH. Quality Magazine
est une prestigieuse revue de mode dirigée par Maggie Prescott, profile type de
la vieille rédactrice en chef excentrique New-Yorkaise. Elle et son
photographe, Dick Avery (Fred Astaire), préparent leurs prochaines couvertures
et recherchent leur nouvelle égérie. Souhaitant véhiculer l’image d’une femme
qui n’a pas à choisir entre beauté et intelligence, ils déplacent leur shooting
dans une librairie de philosophie où ils débarquent complètement à
l’improviste. Cette librairie, c’est celle où travaille Jo Stockton (Audrey
Hepburn), une jeune intello introvertie et passionnée de philosophie. Dick
tombe aussitôt sous le charme de la “funny face (drôle de frimousse) de Jo, et
la propose comme nouvelle égérie. D’abord perplexe, la rédactrice de Quality reconnaît le potentiel de la
jeune femme et se laisse convaincre. Pas du tout intéressée et même repoussée
par le milieu de la mode, Joe se laisse finalement convaincre à l’idée d’un
voyage à Paris qui lui permettra de rencontrer son philosophe préféré. Dans la
capitale française, même si elle ne perd pas de vue ses aspirations
philosophiques et son rêve de rencontrer son idole intellectuelle, Jo se prend
doucement au jeu de l’objectif et du mannequinat, bien aidée par son idylle
avec Dick...
COMMENTAIRE. Les
associations de rêve s’enchainent. Après Audrey et Rome. Après Audrey et Wilder
: Audrey et Stanley Donnen, réalisateur du cultissime Singin’in the rain sorti 5 ans plus
tôt (que j’ai découvert à 15 ans ; un choc, et aussitôt devenu un de mes films
préférés !). Coup double : Audrey et comédie musicale, puisque Stanley Donnen
rempile dans ce genre emblématique de l’âge d’or d’Hollywood. Comme si cela ne
suffisait déjà pas à donner une aura toute particulière à ce film pour moi,
avant même de le voir, un ultime détail m’apporte un doux coup de grâce :
Audrey y interprète une ravissante libraire, intello et introvertie, éprise de
philosophie. Et le tout en couleur, enfin ! Je ne crois pas que j’aurais pu
imaginer mieux si on m’avait demandé en personne dans quel type de film et de
rôle je souhaitais idéalement voir l’actrice.
Pour toutes ces
raisons, Funny Face (dont j’avoue avoir ignoré l’existence même
jusqu’à il y a encore quelques semaines, au début de mes recherches), est très
vite devenu le film d’Audrey qui me hypait le plus, jusqu’à un point presque
redoutable. J’avais l’impression, ou la crainte, d’en savoir juste assez pour
me monter la tête, mais pas assez pour modérer mon enthousiasme, risquant une
vive déception devant ce film qui semblait trop beau pour être vrai. Et s’il
était chiant ? Et si la musique n’était pas à la hauteur ? Et si un point de
scénario ou de mise en scène minait mon visionnage ? J’avais à la fois hâte et
peur de voir ce film ; il allait probablement être le « climax » de ma
rétrospective, son sommet ; selon le verre à moitié vide ou plein, il allait
être la fin de sa partie ascendante ou le début de sa partie descendante, car
tout pile au milieu des 7 films que j’allais voir. De plus, 2 des 3 suivants ne
m’étaient pas inédits. Une avant-dernière découverte, avant l’autre comédie
musicale qu’est My Fair Lady. C’est dire comme,
autant par la réputation du film elle-même que par mon état d’esprit de
visionnage, j’avais l’impression de me tenir devant un monument intimidant, la final (et peut-être master) piece qui allait
départager l’ensemble de ma sélection.
Un peu à l’image de Sabrina dont nous avons pu
voir précédemment les troublants échos avec la vie sentimentale d’Audrey
Hepburn, Funny Face n’est pas sans évoquer sa propre carrière
et, à bien des égards, semble être du sur mesure pour l’actrice,
expression de circonstance étant donné l’univers du film. Nous avons une jeune
femme cultivée, intelligente, drôle et déjà très jolie qui se fait repérer par
un photographe de mode et devient mannequin. Plus ou moins en quoi ont consisté
les débuts de l’actrice, et par la suite sa légendaire proximité avec le monde
du style et de la mode : son amitié et glorieuse collaboration avec le
couturier Hubert Givenchy.
Mais le lien le plus flagrant, personnel et sur mesure du film avec Audrey, c’est bien évidemment son titre lui-même : Funny Face en VO. Joliment traduit par Drôle de frimousse, dont la tournure à la fois mignonne et craquante sied parfaitement à l’émotion suscitée par le visage de l’actrice. Et justement, cette émotion, elle est parfaitement retranscrite, formulée et résumée dans la chanson principale du film :
I
love your funny face
Your
sunny, funny face.
Though
you're a cutie,
With
more than beauty
You've
got a lot of personnality.
You
fill the air with smiles
For
miles, and miles, and miles
You're
not exotic
But
so hypnotic
Though
you're no Mona Lisa
For
world's I'd not replace
Your
sunny, funny face
Qu’y a-t-il besoin
d’ajouter ou de commenter ? Tout est dit, et si bien dit. Cela résume tellement
ma conception de la vraie beauté, celle qui nous touche, et qui se passe avant
tout dans le visage, ses traits, ses expressions, et les émotions qu’il nous
inspire.
Et justement, ce
visage, cette drôle de frimousse, elle nous apparaît en couleur, et plus belle
que jamais. Pour reprendre une expression que j’emploie souvent pour qualifier
des acteurs comme Tom Hans et Robin Williams (mes deux acteurs préférés)
lorsqu’ils ont atteint la quarantaine au milieu des années 1990 : ils étaient «
à point ». Ni trop jeunes, ni trop vieux, ni trop murs, ni trop verts, juste «
à point », à leur âge d’équilibre, de référence, sur un plan esthétique et
charismatique (pensez à Tom Hanks dans La Ligne Verte (1999) et Soldat
Ryan (1998), et à Robin Williams dans Mrs Doubtfire (1993) et Hook (1992)). C’est
exactement pareil pour Audrey. Telle qu’elle apparaît dans Funny
Face, en 1957, à l’âge de 28 ans, elle est « à point » ; sa beauté –
bien sûr éblouissante bien avant, et encore un moment après – sera à son faîte,
et c’est ainsi que l’on a envie de la capturer, de la figer pour toujours. J’ai
tout particulièrement en tête sa scène dans la librairie ; mais aussi les
somptueux plans serrés sur son visage dans la scène du balcon où, tête penchée,
dans un sourire radieux et de son plus doux regard, elle écoute Fred Astaire
chanter après leur dispute. Encore que, ici, un petit excès de maquillage (de
rouge aux lèvres, surtout) vienne un peu gâter sa beauté toute naturelle,
au-dessus de tout artifice.
Mais justement, il
s’agit ici d’une réserve que j’ai amplement développée et expliquée dans mon
billet précédent sur Sabrina : alors que les
films d’Audrey reposent souvent sur une métamorphose dont elle est l’objet,
c’est très exactement cette transformation à laquelle j’ai tendance à ne pas du
tout adhérer. On est censés la trouver « jolie sans plus » au début du film, et
absolument sublime une fois luxueusement habillée de tenues toutes plus
sophistiquées les unes que les autres, maquillée et toute apprêtée. Mais pour
moi, ce sont autant d’accessoires superficiels qui dénaturent cette beauté
simple et naturelle qu’un rien habille, dissimulant cette drôle de frimousse
derrière un masque de cosmétique. Je ne peux aller plus à l’opposée de la
conception Baudelairienne de beauté féminine, mais cela a toujours été l’un de
mes principaux points de divergence avec le poète.
Tout comme Sabrina,
qui n’est jamais plus craquante et belle qu’au début du film, dans sa petite
robe à motifs toute simple, Jo, l’héroïne de Funny Face n’est jamais plus
craquante et belle que dans sa modeste tenue de libraire, sans maquillage
outre-mesure et avec un joli petit carré long en guise de coiffure.
L’aspect
transformation au cœur du film n’est toutefois pas complètement sans attraits ;
il donne lieu à de coquettes scènes de shooting photos très glamours et
variées, où les créations de Givenchy s’enchainent dans un vertigineux défilé
de couleurs et d’étoffes. Tout particulièrement la fameuse robe de mariée
concluant la collection (comme dans tout bon défilée de mode !) ; robe de
mariée dans laquelle Audrey est évidemment divine, d’autant plus dans le décor
champêtre où elle la porte. Décor dans la plus grande tradition du locus
amoenus, topos artistique du lieu
idyllique et bucolique où l’amour peut s’épanouir au milieu d’une nature
idéale.
A propos des décors,
justement, la majorité du film se déroule à Paris, et exploite pleinement les
lieux emblématiques de la capitale avec une esthétique de carte postale
complètement assumée, en plein fantasme pittoresque et cliché sur la capitale
française. La fameuse séquence touristique du « Bonjour, Paris ! » fait office
de grandiose exposition, et le film peut alors retrouver ses décors plus
feutrés. A côté de cela, il y a tous les décors plus nocturnes et extérieurs
des ruelles du Paris populaire ou des cafés.
C’est dans un de ces
cafés qu’a lieu la scène la plus culte et emblématique du film ; à juste titre,
car clairement la plus incroyable, aussi fascinante que surprenante : une scène
de danse contemporaine sur un morceau de Jazz déstructuré. J’étais
inévitablement tombé sur cette scène lors de mes recherches sur Audrey, quand
je sélectionnais les films que j’allais voir. Cette scène m’a immédiatement
fasciné et touché. Tellement originale et insolite, quasi expérimentale, et
révélant une fois de plus les incroyables capacités et talents d’Audrey
Hepburn, ballerine de formation, rappelons-le ! Cette scène dégage une
incroyable énergie, quelque chose de félin, d’organique, de profondément libre,
moderne et créatif. Une des plus belles et impressionnantes d’Audrey Hepburn,
clairement parmi mes scènes préférées d’elle. Je ne lui trouve qu’un seul
défaut qui me pèse un peu sans que je puisse décemment le reprocher : je la
trouve trop courte ! Elle passe très vite, trop vite, et on en voudrait, encore
et encore ! C’est ce qui fait aussi son intensité et sa singularité, bien sûr.
Intéressant que
cette scène de danse contemporaine et déstructurée se fasse sous les yeux du
personnage de Fred Astaire, l’acteur par excellence de la comédie musicale
classique et ses chorégraphies synchronisées, aériennes, tout en douceur, dans
la plus pure (et virtuose) tradition ! La mine dépitée, non pas de l’acteur
(totalement complice) mais de son personnage, Dick, est un amusant clin d’œil
ironique à ce choc des cultures ! Et de culture, il s’agit aussi de
littérature, puisque c’est la raison initiale de la présence de Jo dans le café
: rencontrer des disciples de son philosophe préféré, et espérer rencontrer le
maître en personne, ce qui finira par se produire. Une obscure philosophie
basée sur l’empathie, donnant lieu à des tirades passionnées et sophistiquées
de la jeune femme, qu’on est tenté de voir comme une évocation doucement
satirique de l’Existentialisme dont c’est la pleine période en 1957.
D’ailleurs, à son arrivée à Paris, Jo chante qu’elle voudrait rencontrer
Jean-Paul Sartre, chantre de l’Existentialisme. Rien que ça !
Le traitement du
profile intellectuel de Jo sera toujours dans cet ambiguïté, entre valorisation
de son intelligence, clins d’œil sympathiques aux philosophies en vogue ou au «
Paris qui philosophe » aux coins de table, et en même temps, une forme d’ironie
permanente, un brin moqueuse, qui sombre ouvertement dans la satire sur la fin
lorsque l’on découvre le cuistre qu’est en réalité l’idole de Jo. « More a man
than a philosopher », comme dit Astaire ! Et pour cause ! La jeune femme qui
pensait trouver un interlocuteur avec qui parler, encore et encore, échanger
des idées, subira un numéro de drague lourdingue se terminant par un bibelot
explosé sur la tête. Quant aux « disciples », ils ont davantage des airs de
pédants et de hippies 10 ans avant la lettre, sans aucune crédibilité ou aura
intellectuelle. Rien de bien gênant ou vexant, nous sommes dans une comédie
(musicale), et c’est de bonne guerre !
Et en parlant de
comédie musicale, et comme c’est bien de cela qu’il s’agit ici, il serait plus
que temps d’évoquer cette dimension. J’ai eu l’occasion de citer les
délicieuses paroles de la chanson principale résumant si bien le titre et le
personnage principal. En fait, j’ai trouvé qu’au niveau des textes, le livret
était vraiment excellent et d’un certain raffinement (vocabulaire, tournures,
idées). En revanche, côté musique, c’est beaucoup plus décevant. Le film
souffre une lourde comparaison avec Singin’in the Rain, dont il n’a
clairement pas le panache musical et la splendeur mélodique. Le spectacle est
dans les mots, la mise en scène et les excellentes chorégraphies, mais la
musique est à la traine pour porter le tout à un niveau digne de l’ensemble.
Rien de gravissime, rien qui ne suffise à requestionner le plaisir, la joie, le
divertissement de qualité que procure ce film, et l’interprétation de ses
acteurs, Audrey en tête. On rate juste le perfect de peu, selon moi.
Au final, Funny
Face n’est pas la déception tant redoutée (ouf !), et pour autant
n’a pas explosé le plafond de mes folles espérances (mon imagination,
despotique et sans limites, a tendance à filer à une allure qui la rend
absolument irrattrapable malgré d’honnêtes efforts !). S’il n’est clairement
pas le chef d’œuvre de son ainé, Singin’in the rain, le film est
toutefois sublime, déborde d’énergie, de bonne humeur, d’inventivité, et
surtout, il est en lui-même un remarquable hommage à la personne d’Audrey, la
beauté iconique de son visage, ses talents dans la comédie, le chant et la
danse, son intelligence et sa culture, son allure et son élégance, sa nature de
Muse et d’égérie des photographes et des couturiers, sa personnalité
sentimentale et romantique, son espièglerie, sa fraicheur et son humour : tout
y est réuni, résumé, synthétisé, emballé dans un magnifique paquet cadeau, sur
mesure. Aimer Audrey, c’est donc aimer ce film. Aimer ce film, c’est donc aimer
Audrey. L’actrice y est « à point », à son plus haut degré de maturité
esthétique, atteignant des sommets toujours plus vertigineux et craquant de cuteness.
*** ***
POST-SCRIPTUM : A
propos de la différence d’âge dans le couple à l’écran, des baisers volés et de
la représentation de la séduction
Une fois encore,
comme dans tant (trop) d’autres films (Sabrina ; Love
in the Afternoon [Ariane] ; et celui-ci),
Audrey se retrouve avec un partenaire qui a deux fois son âge ! Elle a 28 ans,
Fred Astaire en a 58 ! Drôle de manie, fort pesante à la longue, et qui, malgré
son manque d’intérêt outre mesure, ne pourra que donner un aspect très
rafraichissant à Green Mansions (1959), où Audrey,
dans le rôle de la ravissante sauvageonne orpheline Rima, aura ENFIN un
partenaire approprié à son jeune âge (et même un tout petit peu plus jeune
qu’elle) en la personne d’Anthony Perkins (qui deviendra le légendaire Norman
Bates un an plus tard !). Elle, 28 ans ; lui, 25 ans. Un très beau couple, qui
envoie symboliquement du lourd pour des cinéphiles, et qui est très «
esthétique » et cohérent à l’écran. Cela fait du bien, après tous ces
vieillards presque mourant que la pauvre s’est coltinée.
Ces différences
d’âge extrêmes et flagrantes ne font que renforcer l’impression déjà négative
produite par les scènes de baisers volés et prématurés, si courantes dans les
films de cette époque, et dont Funny Face nous propose un
exemple typique (on en aura un autre, identique, dans sa filmographie, avec Paris
when it sizzles / Deux têtes folles (1963)). Les
personnages d’Astaire et Audrey ne se connaissent que depuis quelques minutes à
peine. Alors que celui-ci vient de débarquer à l’improviste dans sa librairie,
il reste avec elle après le shooting pour l’aider à ranger les livres. La jeune
femme est fâchée, et se lance dans une tirade philosophique sur le sentiment
d’empathie. Sans préavis ni même la laisser finir sa phrase, Astaire
l’embrasse. Ok... La jeune femme, plus perplexe que furieuse, lui demande
pourquoi il a fait cela, et Dick de répondre qu’il a fait preuve d’empathie en
se mettant à sa place, et qu’il lui a semblé qu’elle voulait être embrassée.
Drôle de rhétorique ! Fort pratique : le fameux “tes mots disent non, mais tes
lèvres disent oui !”. En réalité LA rhétorique de tous les personnages
séducteurs et machos du cinéma d’époque (souvenons-nous de Clark Gable dans Autant
en emporte le vent) et encore aujourd’hui de personnages comme James Bond
ou même du personnage de Han Solo dans Star Wars, que l’on peut
résumer ainsi : “Tu en avais envie, mais tu ne le savais pas encore”, ce qui
permet et excuse évidemment toutes les initiatives les plus cavalières, en
allant jusqu’à prétendre rendre service en arrachant des faveurs non
sollicitées. Là où cela culmine, c’est que loin d’être refroidie ou courroucée
de ce geste après le départ de Dick, le personnage de Jo (Audrey), toute chose,
se lance dans une chansonnette sentimentale où ce baiser volé est décrit comme
une révélation et un premier pas dans la transformation de la librairie en
femme “épanouie”.
Autre époque, autres
moeurs ! On est toujours troublés, perturbés voire hallucinés d’observer ce
genre de scènes si courantes dans le cinéma d’époque, et cela rend les
intrigues sentimentales complètement caduques, improbables, déséquilibrées, et
donc difficiles à trouver touchantes ou simplement crédibles, puisque ne
reposant... sur rien, sinon un vague “marquage de territoire”. On peut
toutefois faire la différence et relativiser tout cela avec la scène de drague
lourdingue du pseudo-philosophe, où Jo ne rentre pas du tout dans le jeu et
sait parfaitement mettre le holà, se faire comprendre, et n’hésite pas à
frapper son agresseur, qui était pourtant un homme qu’elle admirait. Preuve que
tous les hommes et toutes les démarches de séduction ne sont pas traitées de
manière si égale et uniforme par les scénaristes, que la passivité est toute
d’apparence pour eux, qu’il savent marquer la différence du consentement, mais
ont juste une façon passée de mode de mettre en scène le coup de foudre et de
concrétiser le début d’un idylle.
Que je ne passe donc
pas pour plus rabat-joie que je ne le suis. Déjà, dans la mesure où c’est l’ADN
même de certains personnages (Bond ou Solo), je ne suis pas contre ce type de
profiles ; c’est leur généralisation qui pose question, le fait d’en faire une
norme. Ensuite, je ne suis pas de ceux qui surestiment l’influence de ces
personnages sur les comportements. Je ne suis jamais le dernier pour m’en
prendre au public, mais qu’on ne le rende pas plus bête qu’il ne l’est en se
persuadant qu’il prend argent comptant tout ce qu’il voit, sans recul ni
discernement. De plus, ne nous trompons pas d’ennemi ; la fiction n’aurait
aucun pouvoir d’influence même en montrant les pires choses, si l’éducation
était à la hauteur. Le cinéma, la télévision et la publicité ont un grand
pouvoir d’influence et clairement, ces médias participent à l’intériorisation
de certains modèles et comportements, et donc ce n’est jamais seulement de l’image, c’est
autre chose. Certes, mais l’éducation et un discours enfin clair sur tout cela
dissiperait bien des malentendus, et remettrait certaines images à leur place.
J’ai grandi en parti avec des personnages de fiction de cette espèce, et en
plus de ne jamais y avoir vu des exemples ou des modèles à suivre, ils ne m’ont
jamais inspiré une admiration particulière ou l’idée qu’être un homme de bien
consistait en cela. C’était de la pure fiction. Enfin, je suis de ceux qui
déplorent que la très légitime chasse au harcèlement se radicalise et déborde
sur des choses qui n’en relèvent pas, et je m’inquiète du fait qu’aujourd’hui
il devienne délicat ou carrément impossible ne serait-ce que de regarder avec
un peu trop d’insistance, d’engager la conversation, d’avoir un geste galant ou
de formuler un compliment sans être aussitôt considéré comme relou ou menaçant.
Cela pose de sérieuses questions sur le “vivre ensemble” des deux sexes, et
surtout la place de la séduction dans notre société, comment créer du lien ex
nihilo avec quelqu’un qui nous attire, sans intermédiaire ni contexte
codifié. Mais tout cela est un autre et vaste sujet, et je mets donc fin à
cette digression qui jette une ombre soucieuse malvenue sur un film tout de
lumière positive.
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