Quelques aphorismes


QUELQUES APHORISMES,
DE SENEQUE, LA BRUYERE, PASCAL & OSCAR WILDE

Je partage ici quelques uns des innombrables aphorismes glanés au gré de mes lectures non moins innombrables dans le cadre des recherches pour mon documentaire. Plusieurs de ces citations figureront dedans, mais la plupart sont justes recueillies pour mon bon plaisir, comme sources d’inspiration et de réflexion.

J’ai tapé dans :
- Sénèque (philosophe stoïcien du Ier siècle après J.C., précepteur de Néron)
- La Bruyère (le plus grand moraliste du XVIIe siècle, avec La Rochefoucauld, le « Grand Siècle », celui de Louis XIV. Son œuvre « Les Caractères » était au programme du Bac de Littérature en 2006 et en 2007)
- Pascal (idem, avec un profile beaucoup plus religieux ; ses « Pensées » sont un des monuments de notre Littérature) 
- Oscar Wilde (le célèbre Dandy anglais de la fin du XIXe siècle, auteur du Portrait de Dorian Gray).

Manquent à l’appel bien des auteurs parmi mes incontournables, mes préférés mais aussi les plus cités dans mon documentaire, comme Schopenhauer, Baudelaire, Huysmans, Bourget, mais cela m’embarquait trop loin ; trop de citations, trop de textes, trop d’idées géniales, on pourrait en faire un volume. D’ailleurs, je n’ai pris qu’un infime échantillon de citations de Sénèque parmi la masse que j’ai recueillies, et certaines bien meilleures et intéressantes, sans parler de lettres entières à Lucilius !

Prenons ce petit recueil (10 pages) de ma confection comme un pot-pourri ou plutôt, une petit boite de chocolats dans laquelle piocher deux-trois pensées parfois profondes et inspirantes, parfois ouvertement datées et amusantes dans leur désuétude, ou simplement, cultes et parmi les passages les plus célèbres de notre littérature. Beaucoup d’extraits ici présents sont de grands classiques de la pensée humaine que tout Honnête Homme, quoi qu'il en pense, se devrait de connaître.

Si certaines citations interpellent, posent question ou inspirent tout particulièrement, nous pourrons en discuter ensemble au prochain TALK CLUB ! 

SENEQUE

- III, 27, 1. MAÎTRE ET DISCIPLE, DEUX PATIENTS DANS LE MÊME HÔPITAL
« Je t’entends dire ‘C’est toi qui me fais la leçon ; déjà, n’est-ce pas ? Tu te l’es faite à toi-même, tu t’es corrigé ? Non, et c’est pourquoi tu as le temps de réformer les autres !’ Je n’aurais pas l’audace, moi, un malade, d’entreprendre des cures. Couché dans la même infirmerie, je cause avec toi du mal qui nous est commun et je te passe mes recettes. Ecoute-moi donc comme si je me parlais à moi-même ; je t’ouvre ma vie secrète, et je te prends pour témoin dans les moments où je vérifie mes comptes intimes. »

76, 18. L'honnête et le vertueux
« Toutes les actions de la vie et à chaque moment sont gouvernées par la considération de l’honnête et de son contraire. C’est le double principe d’après lequel nous nous réglons pour agir et ne pas agir. Qu’est-ce à dire ? L’homme de bien accomplira l’acte par lequel il croit devoir satisfaire à l’honnête ; même sil l’acte est pénible, il l’accomplira ; il l’accomplira, même s’il encourt un dommage, même s’il y a danger. En revanche, il n’exécutera pas un acte honteux, même s’il doit lui valoir argent, plaisir, puissance. Nul intérêt ne le détournera de l’honnête ; nul intérêt ne le conviera au mal. »

76, 33-34. Citation de Virgile, se tenir prêt, ne pas se laisser surprendre
« Heureux, si, à la menace de ces tortures auxquelles nous exposent soit un coup du sort, soit l’injustice d’un homme puissant, si, quand on lui parle de fers, d’exil, et de ces vains moyens de terreur dont s’alarme l’imagination, il demeure impassible et déclare :
Il n’est point d’épreuve, ô vierge, dont l’aspect me soit nouveau et me surprenne. J’ai tout prévu, j’ai déjà tout vécu par la pensée. [Virgil, Enéide, VI, 103]
Les menaces que tu formules aujourd’hui, je me les suis adressées de tout temps à moi-même : homme, je me tiens prêt aux accidents de l’humaine condition. D’un mal qu’on s’est représenté d’avance, le choc arrive amorti. Mais aux sots qui ont foi en la Fortune, toujours les événements de ce monde présentent un aspect nouveau et surprenant. Or, pour les incultes, c’est dans la nouveauté que gît une bonne part du mal. La preuve en est que, ce qu’ils croyaient d’abord pénible, l’habitude le leur fait supporter plus bravement. C’est pourquoi le sage se rend familier les maux à venir. Ce que d’autres ne trouvent léger qu’au prix d’une longue endurance, il se le rend léger en y pensant longuement. On entend parfois dire aux incultes : « J’étais sûr que ce coup m’arriverait. » Le sage sait toujours que le coup devait lui arriver ; quoi qu’il advienne, il peut dire : « Je le savais. » »

104, 3-4. Renoncer à mourir, rester en vie pour ceux qui nous aiment, obligé par ses proches
« C’est ce que j’expliquais à ma Paulina, qui est cause que je prends ma santé en considération. Oui, comme je sais que son existence est suspendue à la mienne, je commence, pour la ménager, à me ménager moi-même. […] Il faut en effet condescendre aux légitimes affections et quelquefois, quand même les misères physiques exercent leur pousée, il faut, par égard pour les siens, voire au prix de dures souffrances, rappeler à soi la vie, retenir le souffle qui s’exhale, attendu que l’homme de bien est tenu de rester en ce monde non tant qu’il lui plait, mais tant qu’il le doit. Penser qu’une épouse, un ami, ne valent pas la peine qu’on prolonge son existence, s’obstiner à mourir, c’est être trop douillet. Quand l’intérêt des siens l’exige, l’âme doit se contraindre et ne pas se dérober aux siens, même si elle envie de mourir, même si elle a commencé à mourir. C’est le fait d’une âme grande que de retourner à la vie pour l’amour d’autrui, comme l’ont fait nombre de grands hommes. Mais la vertu d’humanité atteint même, selon moi, sa pleine perfection, lorsque, renonçant au privilège essentiel de la vieillesse, qui est d’aviser plus nonchalamment à sa sauvegarde et de disposer de ses jours plus bravement, on devient attentif à la conserver en sa personne, si l’on a la conviction que le procédé est doux, profitable, souhaitable pour les nôtres. Au reste cela comporte beaucoup de joie, et bon salaire. Car est-il rien de plus agréable que de se voir chéri de sa femme au point d’en devenir plus cher à soi-même ? Voilà comment je suis obligé à ma Paulina et des inquiétudes qu’elle a pour moi et de mes propres inquiétudes. » 

120, 20. Esprit malade = versatile
« Le meilleur symptôme d’un esprit malade est son flottement et son va-et-vient continuel entre une mauvaise imitation des vertus et l’amour des vices. […] Ici, beaucoup sont comme le héros d’Horace, cet homme qui n’est jamais le même et qui ne se ressemble jamais ; que dis-je, il devient le contraire de lui-même. Beaucoup, disais-je ? Mieux vaut dire presque tous. Tout le monde change quotidiennement de dessein ou de souhait […]. C’est précisément ce qui décèle une âme dépourvue de discernement ; on lui voit tantôt une physionomie, tantôt une autre et, chose qui me paraît le comble de l’ignominie, elle n’est jamais égale à elle-même. Dis-toi bien que c’est une grande chose que de ne jouer qu’un seul personnage. Or personne, sauf le sage, ne joue un seul rôle ; nous sommes tous multiformes. Tu nous verras par moments rangés et sérieux, par moments prodigues et frivoles. Coup sur coup nous changeons de masque pour en prendre un qui exprime l’opposé de la figure que nous quittons. Prends donc sur toi de te montrer effectivement jusqu’au bout tel que tu as résolu d’être. Fais en sorte qu’on t’applaudisse ou au moins qu’on te reconnaisse. Il y a des gens qu’on a vus le veille et dont on peut dire à bon droit : Qui est-ce ? » tant ils ont changé. »

UNE FACON D’ENTRER DANS LA VIE, PLUSIEURS D’EN SORTIR
« J’ai placé en vous tout votre bien ; n’avoir pas besoin du bonheur est votre bonheur à vous. Et tous les chagrins, toutes les souffrances, toutes les épreuves terribles qu’il faut traverser ?  - Ne pouvant vous y soustraire, j’ai armé vos âmes contre tous ces maux. Supportez-les vaillamment. C’est par-là que vous surpasserez le dieu : le dieu est à l’abris des maux ; vous êtes, vous, au-dessus d’eux. 
Méprisez la pauvreté : nul ne vit aussi pauvre qu’il est né. Méprisez la douleur : elle disparaîtra ou vous disparaîtrez. Méprisez la mort : elle est une fin ou un passage. Méprisez la Fortune : je ne lui ai donné aucun trait capable d’atteindre l’âme. Par-dessus tout j’ai pris soin que l’on ne pût vous retenir malgré vous : l’issue est grande ouverte. Si vous ne voulez pas combattre, vous n’avez qu’à fuir.
Voilà pourquoi, de toutes les nécessités auxquelles je vous ai soumis, je n’en ai rendu aucune plus facile que la mort. J’ai placé la vie sur une pente : elle y glisse. Prenez-y garde et vous verrez combien la voie qui mène à la liberté est courte et commode à suivre. Je ne vous ai pas donné pour sortir de la vie autant d’obstacles à franchir que pour y entrer : la Fortune aurait eu sur vous trop d’empire, si l’homme mettait à mourir autant de temps qu’il met à naître. Pas d’instant, pas de lieu qui ne vous enseigne combien il est facile de rompre avec la Nature et de lui jeter au visage le cadeau qu’elle vous a fait. Au pied même des autels, et dans les sacrifices solennels par lesquels vous implorez la vie, apprenez à connaître la mort : de splendides taureaux succombent à une blessure infime, des animaux d’une vigueur énorme s’abattent au choc d’une main humaine. Une mince lame de fer rompt la jointure de la nuque et, dès que l’articulation qui joint le cou à la tête est tranchée, cette puissante masse s’effondre. Le siège de la vie n’est pas enfoui profondément : le fer n’est pas indispensable pour l’extirper, ni ces blessures pénétrantes qui percent et fouillent les entrailles ; vous avez la mort sous la main. Je n’ai pas fixé de place spéciale au coup fatal ; n’importe quel chemin mène au but. Quant à la mort proprement dire, cet instant où l’âme se sépare du corps est trop fugitif et trop bref pour qu’o puisse en avoir conscience. Qu’un lacet vous étrangle, que l’eau vous asphyxie, que vous vous fracassiez la tête en vous jetant sur le pavé, ou que vous aspiriez des vapeurs qui vous suffoquent, quel que soit le moyen, le résultat est prompt. Ne rougissez-vous pas qu’une chose qui dure si peu vous fasse peur si longtemps ? »


LA BRUYERE

01. Tout est dit et l’on vient trop tard
« Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l’on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d’entre les modernes. »

12. Otium Litteratum
« Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d’esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi, et à ne rien faire. Personne presque n’a assez de mérite pour jouer ce rôle avec dignité, ni assez de fonds pour remplir le vide du temps, sans ce que le vulgaire appelle des affaires. Il ne manque cependant à l’oisiveté du sage qu’un meilleur nom, et que méditer, parler, lire, et être tranquille s’appelât travailler. »

43. Le sage qui aspire à la Vertu
« Le sage guérit de l’ambition par l’ambition même ; il tend à de si grandes choses, qu’il ne peut se borner à ce qu’on appelle des trésors, des postes, la fortune et la faveur : il ne voit rien dans de si faibles avantages qui soit assez bon et assez solide pour remplir son cœur, et pour mériter ses soins et ses désirs ; il a même besoin d’efforts pour ne les pas trop dédaigner. Le seul bien capable de le tenter est cette sorte de gloire qui devrait naître de la vertu toute pure et toute simple ; mais les hommes ne l’accordent guère, et il s’en passe. »

01. Rivalité des femmes
« Les hommes et les femmes conviennent rarement sur le mérite d’une femme : leurs intérêts sont trop différents. Les femmes ne se plaisent point les unes aux autres par les mêmes agréments qu’elles plaisent aux hommes : mille manières qui allument dans ceux-ci les grandes passions, forment entre elles l’aversion et l’antipathie. »

02. Charme naturel
« Il y a dans quelques femmes une grandeur artificielle, attachée au mouvement des yeux, à un air de tête, aux façons de marcher, et qui ne va pas plus loin ; un esprit éblouissant qui impose, et que l’on n’estime que parce qu’il n’est pas approfondi. Il y a dans quelques autres une grandeur simple, naturelle, indépendante du geste et de la démarche, qui a sa source dans le cœur, et qui est comme une suite de leur haute naissance ; un mérite paisible, mais solide, accompagné de mille vertus qu’elles ne peuvent couvrir de toute leur modestie, qui échappent, et qui se montrent à ceux qui ont des yeux. »

10. Visage et voix
« Un beau visage est le plus beau de tous les spectacles ; et l’harmonie la plus douce est le son de voix de celle que l’on aime. »

13. Honnête femme et honnête homme
« Une belle femme qui a les qualités d’un honnête homme est ce qu’il y a au monde d’un commerce plus délicieux : l’on trouve en elle tout le mérite des deux sexes. »

22. Femme galante et femme coquette
« Une femme galante veut qu’on l’aime ; il suffit à une coquette d’être trouvée aimable et de passer pour belle. Celle-là cherche à engager ; celle-ci se contente de plaire. La première passe successivement d’un engagement à un autre ; la seconde a plusieurs amusements tout à la fois. Ce qui domine dans l’une, c’est la passion et le plaisir ; et dans l’autre, c’est la vanité et la légèreté. La galanterie est un faible du cœur, ou peut-être un vice de la complexion ; la coquetterie est un dérèglement de l’esprit. La femme galante se fait craindre et la coquette se fait haïr. L’on peut tirer de ces deux caractères de quoi en faire un troisième, le pire de tous. »

24. Femme inconstante, légère, volage, indifférente
« Une femme inconstante est celle qui n’aime plus ; une légère, celle qui déjà en aime un autre ; une volage, celle qui ne sait si elle aime et ce qu’elle aime ; une indifférente, celle qui n’aime rien. »

27. La Belle et le moche con
« A juger de cette femme par sa beauté, sa jeunesse, sa fierté et ses dédains, il n’y a personne qui doute que ce ne soit un héros qui doive un jour la charmer. Son choix est fait : c’est un petit monstre qui manque d’esprit. »

02. Amitié homme/femme
« L’amitié peut subsister entre des gens de différents sexes, exempte même de toute grossièreté. Une femme cependant regarde toujours un homme comme un homme ; et réciproquement un homme regarde une femme comme une femme. Cette liaison n’est ni passion ni amitié pure : elle fait une classe à part. »

03. Amour immédiat, amitié lente
« L’amour naît brusquement, sans autre réflexion, par tempérament ou par faiblesse : un trait de beauté nous fixe, nous détermine. L’amitié au contraire se forme peu à peu, avec le temps, par la pratique, par un long commerce. Combien d’esprit, de bonté de cœur, d’attachement, de services et de complaisance dans les amis, pour faire en plusieurs années bien moins que ne fait quelquefois en un moment un beau visage ou une belle main ! »

04. Temps sur amitié & amour
« Le temps, qui fortifie les amitiés, affaiblit l’amour. »

17. Étranges pères
« Il y a d’étranges pères, et dont tout la vie ne semble occupée qu’à préparer à leurs enfants des raisons de se consoler de leur mort. »

23. Malheur répandu, donc devrait être prêt
« Quoi que j’aie pu dire ailleurs, peut-être que les affligés ont tort. Les hommes semblent être nés pour l’infortune, la douleur et la pauvreté ; peu en échappent ; et comme toute disgrâce peut leur arriver, ils devraient être préparés à toute disgrâce. »

50. Enfants déjà des Hommes
« Les enfants sont hautains, dédaigneux, colères, envieux, curieux, intéressés, paresseux, volages, timides, intempérants, menteurs, dissimulés ; ils rient et pleurent facilement ; ils ont des joies immodérées et des afflictions amères sur de très petits sujets ; ils ne veulent point souffrir de mal, et aiment à en faire : ils sont déjà des hommes. »

99. Malheur de ne pouvoir être seul
« Quelques hommes, dans le cours de leur vie, sont si différents d’eux-mêmes par le cœur et par l’esprit qu’on est sûr de se méprendre, si l’on en juge seulement par ce qui a paru d’eux dans leur première jeunesse. Tels étaient pieux, sages, savants, qui par cette mollesse inséparable d’une trop riante fortune, ne le sont plus. L’on en sait d’autres qui ont commencé leur vie par le plaisirs et qui ont mis ce qu’ils avaient d’esprit à les connaître, que les disgrâces ensuite ont rendus religieux, sages, tempérants : ces derniers sont pour l’ordinaire de grands sujets, et sur qui l’on peut faire beaucoup de fond ; ils ont une probité éprouvée par la patience et par l’adversité ; ils entent sur cette extrême politesse que le commerce des femmes leur a donnée, et dont ils ne se défont jamais, un esprit de règle, de réflexion, et quelquefois une haute capacité, qu’ils doivent à la chambre et au loisir d’une mauvaise fortune.
Tout notre mal vient de ne pouvoir être seuls : de là le jeu, le luxe, la dissipation, le vin, les femmes, l’ignorance, la médisance, l’envie, l’oubli de soi-même et de Dieu. »

101. Celui qui aime le travail est sauvé de l'ennui
« L’ennui est entré dans le monde par la paresse ; elle a beaucoup de part dans la recherche que font les hommes des plaisirs, du jeu, de la société. Celui qui aime le travail a assez de soi-même. »

132. Éloge de la Philosophie
« Bien loin de s’effrayer ou de rougir même du nom de philosophe, il n’y a personne au monde qui ne dût avoir une forte teinture de philosophie. Elle convient à tout le monde ; la pratique en est utile à tous les âges, à tous les sexes et à toutes les conditions ; elle nous console du bonheur d’autrui, des indignes préférences, des mauvais succès, du déclin de nos forces ou de notre beauté ; elle nous arme contre la pauvreté, la vieillesse, la maladie et la mort, contre les sots et les mauvais railleurs ; elle nous fait vivre sans une femme, ou nous fait supporter celle avec qui nous vivons. »

PASCAL


101. CŒUR ET RAISON
« Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur, c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part, essaie de les combattre. […]
Les principes se sentent, les propositions se concluent et le tout avec certitude quoique par différentes voies - et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes pour vouloir y consentir, qu’il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu’elle démontre pour vouloir les recevoir.
Cette impuissance ne doit donc servir qu’à humilier la raison, qui voudrait juger de tout, mais non pas à combattre notre certitude, comme s’il n’y avait que la raison capable de nous instruire […]. »
…………………………
Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point.
…………………………
C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison.
…………………………
C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison.
Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point : on le sait en mille choses. »

123-129. LE « DIVERTISSEMENT » PASCALIEN
« Quand je m’y suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent dans la Cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d’une place. On n’achète une charge à l’armée si cher, que parce qu’on trouverait insupportable de ne bouger de la ville. Et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on ne peut demeurer chez soi avec plaisir. Etc.
………………
Mais quand j’ai pensé de plus près et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective et qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable que rien ne peut nous consoler lorsque nous y pensons de près.
.........................
Voilà tout ce que les hommes ont pu inventer pour se rendre heureux. Et ceux qui font sur cela les philosophes et qui croient que le monde est bien peu raisonnable de passer tout le jour à courir après un lièvre qu’ils ne voudraient pas avoir acheté, ne connaissent guère notre nature. Ce lièvre ne nous garantirait pas de la vue de la mort et des misères qui nous en détournent, mais la chasse nous en garantit.
………………
Ainsi s’écoule toute la vie, on cherche le repos en combattant quelques obstacles. Et si on les a surmontés, le repos devient insupportable par l’ennui qu’il engendre. Il en faut sortir et mendier le tumulte. Car ou l’on pense aux misères qu’on a ou à celles qui nous menacent. Et quand on se verrait même assez à l’abri de toutes parts, l’ennui, de son autorité privée, ne laisserait pas de sortir du fond du cœur, où il a des racines naturelles, et de remplir l’esprit de son venin.
………………
Ainsi l’homme est si malheureux qu’il s’ennuierait même sans aucune cause d’ennui par l’état propre de sa complexion. Et il est si vain qu’étant plein de mille causes essentielles d’ennui, la moindre chose comme un billard et une balle qu’il pousse suffisent pour le divertir.
………………
D’où vient que cet homme qui a perdu son fils unique depuis peu de mois et qui est accablé de procès, de querelles et de tant d’affaires importantes qui le rendaient tantôt si chagrin n’y pense plus à présent. Ne vous en étonnez pas. Il est tout occupé à savoir par où passera ce sanglier que ses chiens poursuivent. Il n’en faut pas davantage pour chasser tant de pensées tristes. Voilà l’esprit de ce maître du monde tant rempli de ce seul souci.
………………
D’où vient que cet homme, qui a perdu depuis peu de mois son fils unique et qui accablé de procès et de querelles était ce matin si troublé, n’y pense plus maintenant ? Ne vous en étonnez pas, il est tout occupé à voir par où passera ce sanglier que les chiens poursuivent avec tant d’ardeur depuis six heures. Il n’en faut pas davantage. L’homme, quelque plein de tristesse qu’il soit, si on peut gagner sur lui de le faire entrer en quelque divertissement, le voilà heureux pendant ce temps‑là. Et l’homme, quelque heureux qu’il soit, s’il n’est diverti et occupé par quelque passion ou quelque amusement qui empêche l’ennui de se répandre, sera bientôt chagrin et malheureux. Sans divertissement il n’y a point de joie. Avec le divertissement il n’y a point de tristesse. Et c’est aussi ce qui forme le bonheur des personnes de grande condition qu’ils ont un nombre de personnes qui les divertissent, et qu’ils ont le pouvoir de se maintenir en cet état.
………………
Dire à un homme qu’il soit en repos, c’est lui dire qu’il vive heureux. C’est lui conseiller d’avoir une condition toute heureuse et laquelle puisse considérer à loisir, sans y trouver sujet d’affliction.
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Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux de n’y point penser.
Nonobstant ces misères il veut être heureux et ne veut être qu’heureux, et ne peut ne vouloir pas l’être.
Mais comment s’y prendra-t-il. Il faudrait pour bien faire qu’il se rendît immortel, mais ne le pouvant il s’est avisé de s’empêcher d’y penser. »

183. UNIVERSALITE DE L’HONNÊTE HOMME : SAVOIR UN PEU DE TOUT
« Puisqu’on ne peut être universel en sachant tout ce qui se peut savoir sur tout, il faut savoir peu de tout, car il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose. Cette universalité est la plus belle. Si on pouvait avoir les deux encore mieux, mais s’il faut choisir il faut choisir celle-là. Et le monde le sent et le fait, car le monde est un bon juge souvent. »

186. ROSEAU PENSANT
« L’homme n’est qu’un roseau le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser. Une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue ; parce qu’il sait qu’il meurt ; et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. Ainsi toute notre dignité consiste dans la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever, non de l’espace et de la durée. Travaillons donc à bien penser. Voilà le principe de la morale. »

187. Silence des espaces infinis
« Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.
…………………………..
Quand je considère la petite durée de ma vie absorbée dans l’éternité précédente et suivante, memoria hospitis unius diei praetereuntis, le petit espace que je remplis et même que je vois abîmé dans l’infinie immensité des espaces que j’ignore et qui m’ignorent, je m’effraie et m’étonne de me voir ici plutôt que là, car il n’y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors. Qui m’y a mis ? Par l’ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a‑t‑il été destiné à moi ? »

397. LE PARI DE PASCAL
« S’il y a un Dieu, il est infiniment incompréhensible, puisque n’ayant ni parties ni bornes il n’a nul rapport à nous. Nous sommes donc incapables de connaître ni ce qu’il est, ni s’il est. Cela étant, qui osera entreprendre de résoudre cette question ? Ce n’est pas nous qui n’avons aucun rapport à lui.
[…] Dieu est ou il n’est pas. Mais de quel côté pencherons‑nous ? La raison n’y peut rien déterminer. Il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un jeu à l’extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile. Que gagerez‑vous ? Par raison vous ne pouvez faire ni l’un ni l’autre. Par raison vous ne pouvez défendre nul des deux.
[…] Le juste est de ne point parier.
Oui, mais il faut parier. Cela n’est pas volontaire, vous êtes embarqué. Lequel prendrez‑vous donc ? Voyons. Puisqu’il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins. Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager, votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir, l’erreur et la misère. Votre raison n’est pas plus blessée, puisqu’il faut nécessairement choisir, en choisissant l’un que l’autre. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout, si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est sans hésiter. – Cela est admirable. Oui, il faut gager. Mais je gage peut‑être trop. Voyons. Puisqu’il y a pareil hasard de gain et de perte, si vous n’aviez qu’à gagner deux vies pour une, vous pourriez encore gager. Mais s’il y en avait trois à gagner, il faudrait jouer (puisque vous êtes dans la nécessité de jouer), et vous seriez imprudent, lorsque vous êtes forcé à jouer, de ne pas hasarder votre vie pour en gagner trois à un jeu où il y a pareil hasard de perte et de gain. Mais il y a une éternité de vie et de bonheur. Et cela étant, quand il y aurait une infinité de hasards dont un seul serait pour vous, vous auriez encore raison de gager un pour avoir deux, et vous agiriez de mauvais sens, étant obligé à jouer, de refuser de jouer une vie contre trois à un jeu où d’une infinité de hasards il y en a un pour vous, s’il y avait une infinité de vie infiniment heureuse à gagner : mais il y a ici une infinité de vie infiniment heureuse à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte, et ce que vous jouez est fini. Cela ôte tout parti. Partout où est l’infini et où il n’y a pas infinité de hasards de perte contre celui de gain, il n’y a point à balancer, il faut tout donner. Et ainsi, quand on est forcé à jouer, il faut renoncer à la raison pour garder la vie plutôt que de la hasarder pour le gain infini aussi prêt à arriver que la perte du néant.
Car il ne sert de rien de dire qu’il est incertain si on gagnera, et qu’il est certain qu’on hasarde, et que l’infinie distance qui est entre la certitude de ce qu’on s’expose et l’incertitude de ce qu’on gagnera égale le bien fini qu’on expose certainement à l’infini qui est incertain. Cela n’est pas ainsi. Tout joueur hasarde avec certitude, pour gagner avec incertitude, et néanmoins il hasarde certainement le fini pour gagner incertainement le fini, sans pécher contre la raison. Il n’y a pas infinité de distance entre cette certitude de ce qu’on s’expose et l’incertitude du gain. Cela est faux. Il y a à la vérité infinité entre la certitude de gagner et la certitude de perdre, mais l’incertitude de gagner est proportionnée à la certitude de ce qu’on hasarde selon la proportion des hasards de gain et de perte. Et de là vient que, s’il y a autant de hasards d’un côté que de l’autre, le parti est à jouer égal contre égal. Et alors la certitude de ce qu’on s’expose est égale à l’incertitude du gain, tant s’en faut qu’elle en soit infiniment distante. Et ainsi notre proposition est dans une force infinie, quand il y a le fini à hasarder, à un jeu où il y a pareils hasards de gain que de perte, et l’infini à gagner.
[…]
Or quel mal vous arrivera‑t‑il en prenant ce parti ? Vous serez fidèle, honnête, humble, reconnaissant, bienfaisant, ami, sincère, véritable... À la vérité vous ne serez point dans les plaisirs empestés, dans la gloire, dans les délices. Mais n’en aurez‑vous point d’autres ?
Je vous dis que vous y gagnerez en cette vie, et qu’à chaque pas que vous ferez dans ce chemin, vous verrez tant de certitude de gain et tant de néant de ce que vous hasardez, que vous connaîtrez à la fin que vous avez parié pour une chose certaine, infinie, pour laquelle vous n’avez rien donné. »

405. Condition humaine, condamnés
« Qu’on s’imagine un nombre d’hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant l’un l’autre avec douleur et sans espérance, attendent à leur tour. »
  
OSCAR WILDE

7. Femmes aimées VS Femmes comprises
« Les femmes sont faites pour être aimées, pas pour être comprises. »

11. Principe incompréhension
« Le principe de base du mariage est une incompréhension mutuelle. »

11. Choisir sa vie
« Il y a des moments où il faut choisir entre vivre sa propre vie pleinement, entièrement, complètement, ou trainer l’existence dégradante, creuse et fausse que le monde, dans son hypocrisie, nous impose. »

12. Obtenir ce que l’on veut
« Dans ce monde, il n’existe que deux tragédies : ne pas obtenir ce que l’on veut, et obtenir ce que l’on veut. La dernière est de loin la pire – la dernière est un vrai drame. »

20. Bon VS Mauvais / Ennuyeux VS Charmants
« Il est absurde de diviser les gens en bons et en mauvais. Les gens sont ou bien charmants, ou bien ennuyeux. »

22. Véritable artiste & public
« Un véritable artiste ne se préoccupe absolument pas du public. Le public n’existe pas pour lui. »

25. Amitié hommes/femmes impossible
« Il n’y a pas d’amitié possible entre les hommes et les femmes. Il y a de la passion, de l’inimité, de l’adoration, de l’amour, mais pas d’amitié. »

30. Femmes & CHEFS-D’œuvres 
« Les femmes, comme l’a dit un français plein d’esprit, nous inspirent le désir de réaliser des chefs-d’œuvre et nous empêchent toujours de les mener à bout. »

30. Femmes, SPHiNGES SANS ENIGME
« Définir les femmes en tant que sexe ? Des sphinges sans énigme. »

32. Sentimental
« Un sentimental est un homme qui donne à tout une valeur absurde et qui n’a aucune idée du prix de quoi que ce soit. »

38. Premier & dernier amour
« Les hommes veulent toujours être le premier amour d’une femme. C’est là leur vanité maladroite. Les femmes ont un sens plus sûr des choses. Ce qu’elles aiment, c’est être le dernier amour d’un homme. »

46. Cynisme
« Le cynisme n’est rien d’autre que l’art de voir les choses comme elles sont plutôt que comme elles devraient être. »

55. Femmes génie. Misogyne.
« Aucune femme n’est un génie. Les femmes sont le sexe décoratif. Elles n’ont rien à dire, mais elles le disent avec tant de charme. »

61. Tentation 
« L’unique façon de se débarrasser d’une tentation est de s’y abandonner. Résistez, et votre âme se rend malade à force de languir pour ce qu’elle s’est interdit. »

79. Expérience
« L’expérience n’a aucune valeur éthique, elle est simplement le nom que les hommes donnent à leurs erreurs. Les moralistes l’ont en général considéré comme une sorte d’avertissement, ils ont affirmé qu’elle était une certaine efficacité éthique dans la formation du caractère. Ils l’ont louée parce qu’elle est censée nous enseigner la voie à suivre et ce qu’il nous faut éviter. Mais il n’y a pas de force motrice dans l’expérience. Elle ne nous fait pas plus agir que la conscience elle-même. En réalité, tout ce qu’elle prouve est que notre avenir ne sera pas différent de notre passé et que le péché que nous avons
commis une fois, avec dégoût, nous le répéterons à maintes occasions, et avec joie. »


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